21.02.2020

Développement de la zone de La Belle Créole : la société Port Lisa demandait 13,6 M€ d'indemnisation à la COM

Sa requête a été rejetée par le tribunal administratif.

C’est une affaire qui a débuté au début des années 1980. La société Port Lisa, filiale du groupe Bialac, est propriétaire d’un ensemble de terrains à Saint-Martin et conclut en juin 1981 un protocole d’accord avec le préfet de la Guadeloupe et la commune de Saint-Martin afin de réaliser «un programme touristique immobilier s’inscrivant dans le cadre du développement économique et social de Saint-Martin».

Précisément, la SA Bialac-France a l’intention de restaurer la Belle Créole, d’y créer 150 chambres supplémentaires et d’ouvrir un casino. Elle veut aussi construire une marina comprenant 750 maisons dans un complexe touristique type Port Grimaud, aménager des terrains de tennis, une plage ainsi que de construire deux hôtels de 300 chambres dans le secteur Colline Nettlé.

La société obtient l’approbation du conseil municipal en mars 1987 dont l’objectif affiché est de créer une zone d’aménagement concerté (ZAC), en vue de la réalisation de la marina et de son complexe. En novembre 1988, les élus du conseil municipal concrétisent leur volonté en votant la création et la réalisation de la ZAC et concèdent la gestion du port de plaisance à la société SA Port Lisa. Le maire signe alors avec la société Port Lisa une convention de concession de création et d’exploitation du port de plaisance pour une durée de 50 ans. Le préfet de Guadeloupe prend aussi un arrêté en ce sens en octobre 1989.

Le maire délivre un premier permis de construire en avril 1989 pour réaliser un ensemble de sept bâtiments comprenant 72 logements à destination d’habitations sur 13 740 mètres carrés. Les travaux ne débutant pas, le permis va expirer mais le maire en accordera un second en juin 1992.

Dix ans plus tard, la SA Port Lisa dépose une nouvelle demande de permis de construire afin de réaliser un bâtiment comprenant 24 logements à destination d’habitations sur une surface de 2 027 m². Mais le maire va cette fois lui refuser le permis en juin 2002.

La société saisit alors le tribunal administratif pour lui demander d’annuler la décision du maire, ce qu’elle va obtenir en décembre 2011. Le tribunal administratif demandera aussi à la COM d’instruire à nouveau le dossier.

La COM fait appel, mais sa requête est rejetée par un arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux en octobre 2013. Un pourvoi en cassation a été formé par la COM mais elle finit par se désister.

En juin 2015, le conseil territorial décide de classer plus de 4 hectares des 23 appartenant à la société Bialac en zone naturelle inconstructible et de réserver l’utilisation de la surface restante à l’édification de projets hôteliers uniquement, toute construction à usage d’habitation étant exclue ; une décision qui remet ainsi en cause le projet de Port Lisa.

Dans ce contexte, le 26 décembre 2017, la société Port Lisa adresse à la COM une réclamation indemnitaire préalable d’une somme de 13 657 316 euros. Elle veut réparation du préjudice que la COM lui a causé en, notamment, lui ayant refusé le permis de construire en juin 2002, en ayant manqué à ses obligations contractuelles et abandonné le projet de la ZAC. Elle saisit de nouveau le tribunal administratif en juin 2018 pour qu’il demande à la COM de lui verser les quelque 13,6 millions d’euros.

L’affaire a été examinée le 23 janvier dernier à Saint-Martin.

Si le refus de permis de construire constitue en effet une faute et est de nature à engager la responsabilité de la collectivité, si la COM a fait des erreurs, le tribunal administratif ne reconnaît par contre pas de «préjudice identifié qui serait en lien de causalité suffisamment directe et certaine avec le refus de permis illégal et l’absence de réexamen de sa demande de permis de construire, pour la société Port Lisa ».

Le tribunal fait également valoir que la société Port Lisa était bénéficiaire d’un premier permis puis d’un second permis de construire et qu’elle n’a jamais entamé les travaux. «La société est donc restée inactive depuis dix ans et précise d’ailleurs dans ses écritures qu’elle n’a plus jamais sollicité d’autorisation d’urbanisme depuis 2002 au motif qu’elle était certaine de se voir opposer un refus par la commune. Dans ces conditions, la passivité observée par la société sur une aussi longue période, et son absence de toute démarche en vue de relancer le projet de ZAC révèlent un refus de respecter ses obligations contractuelles car elle n’a pas lancé le programme tel qu’elle l’avait acté, ni réalisé les équipements prévus à sa charge », note le tribunal.

Concernant la concession du port de plaisance, la société Port Lisa « se borne à soutenir qu’elle a subi un préjudice sans le détailler et sans expliquer en quoi elle a été dans l’incapacité de commencer les travaux d’exécution alors que la concession portuaire est indépendante de la ZAC d’aménagement. Il y a donc absence de lien de causalité », précise aussi le tribunal administratif qui, dans sa décision rendue le 11 février, a rejeté la requête de la société.

Estelle Gasnet