03.08.2020

"Souvenirs d'enfance ": Axel Hubler se balade dans Marigot

Soualigapost.com publie les souvenirs d’enfance d’Axel Hubler. Il nous raconte des histoires dans lesquelles il décrit Saint-Martin. Aujourd’hui, il se souvient de ses balades dans Marigot et de ses rencontres avec les commerçants.

Une fois l'école terminée, je passais au bureau de ma mère déposer mon sac puis partais faire mon tour dans Marigot, attendre qu'elle aussi finisse sa journée... Travaillant pour Monsieur Jacques Deldevert, son bureau se trouvait dans une belle case au pied de la rue de Concordia face à la nouvelle gendarmerie aujourd'hui disparue. Le rituel était immuable : cinquante centimes de franc, et je courais chercher soit un Pop soit mes biscuits préférés Bimbo. Faits à Porto Rico, fourrés de crème a la vanille, avec sur la barquette un petit ourson. La petite épicerie se trouvait juste en face de l'école des Garçons. Entre la librairie "Le Crayon " et la garderie " Les Lucioles ". Dans une case en bois dont ne subsistent aujourd'hui que les deux marches de l'entrée. Le comptoir était recouvert d'une toile cirée et rempli de bocaux. La case disparaîtra dans les flammes mais qui, avant de s'en aller définitivement, deviendra pendant plusieurs années une photo unique à la vente, avec un Flamboyant fleurissant insolemment au dessus de son toit effondré...

En 1980, dans la ruelle voisine, menant à l'ancienne prison, ouvrira le restaurant existant encore de nos jours "Le Bistrot Nu". En ce temps-là, il y avait peu de commerces dans le village et je ne manquais pas de saluer toute personne sur le pas de sa porte. Les magasins n'ayant pas de climatisation, ils gardaient leur porte ouverte, rendant inévitable un salut accompagné d'une étreinte, d'un serrage de main et toujours d'un mot aimable. Je me souviens si bien de la pharmacie Crespin, à gauche de la Banque des Antilles Françaises. Dans une case où il fallait monter quelques marches pour y accéder. Au souvenir précis de l'intérieur de la Banque avec son coffre fort toujours ouvert juste derrière les comptoirs. On voyait des caisses par terre avec les billets ! De la boutique si coquette avec ses stores oranges : L'orangerie. De sa propriétaire Mona, qui hélas nous a quittés. De sa gentillesse grande et surtout, de son efficacité imparable à trouver immédiatement la pièce recherchée dans un stock démesuré. Les deux magasins de chaussures de la ville : Chez Monsieur Tondu en face du stade et bien plus grand, bien plus luxueux, le magasin "Bata" de Monsieur Raymond Vialenc. Voilà une famille, tous membres confondus, d'une gentillesse naturelle. Encore aujourd'hui je prends grand plaisir à rencontrer Monsieur ou Madame et n'oublie pas leur confiance envers ma mère lui permettant de régler certains achats en plusieurs fois... Les temps étaient différents. Plus humbles mais plus heureux sans doute.

Bonjour Vere. Bonjour monsieur Louis Richardson. Toujours afférés dans leur commerce au pied des plus belles demeures de l'île. Je revois madame entretenant le jardin intérieur. Le sécateur à la main. Le puits. Si j'étais sur le chemin du retour, quelques fleurs pour ma mère... Leur fille Nikki qui sera un jour l'épouse de mon professeur d'espagnol, monsieur Gimenez. Équivalent masculin de Madame Maryse Condé de par son élégance et patience. La couleur de ses chaussures était toujours assortie à celle de ses polos.

Bonjour monsieur Henri Sanchez dans sa petite bijouterie " Esmeralda ". Plus tard cet endroit deviendra un lieu pour habitués "La Tomate". Le Patio, joli hôtel central et sa petite cour intérieure. Le beau magasin " Spritzer and Furhman " . Sans doute le plus luxueux situé à côté de l'hôtel "Beausejour " de la famille Fleming ...

Je revois chaque détail de notre petite capitale en ce temps la pimpante, coquette et élégante . Monsieur le Maire, Elie Fleming se promenant, sans doute regagnant son bureau dans la nouvelle Mairie.

Mais je crois que le souvenir que je chéris le plus, et c'est la raison de la parution de cette carte, était de passer saluer Madame Peterson. Je tourne à gauche, au pied du merveilleux Restaurant La Vie en Rose. Deux maisons, devrais-je dire deux demeures se suivent. Les deux plus belles boutiques : Vendôme et Printemps. A ce jour, je garde intacte cette joie de rentrer me mettre à l'ombre. De lui faire la bise. Son parfum : L' air du temps, de Ninna Ricci ... Madame Peterson à qui je voudrais dédier mes lignes ... Me demandant immédiatement des nouvelles de maman. De ma famille. Si les résultats à l'école étaient bons . Les étagères chargées de cristallerie. Parfumerie, accessoires de luxe : briquets, foulards... Les vitrines avec l'entaille dans la vitre pour y mettre le doigt et la faire glisser. Le mobilier, typique des années 60 aux pieds inclinés. L'odeur particulière de la naphtaline dans l'entrepôt ! La joie d'ouvrir des cartons... Grâce à elle je me constituerai une jolie collection de miniatures de parfums. Si jolies représentant en tout petit leurs sœurs aînées a la vente... Ces noms gravés à jamais : Cabochard et Cabotine de Grès. Opium d'Yves Saint Laurent. Je Reviens de Worth, Bal à Versailles de Jean Desprez.

A l'occasion et suivant la saison, une des vendeuses descendait un jus frais de Guavaberry ... Je me rappelle du jour où nous avons accueilli un monsieur qui dégageait non seulement une élégance naturelle qui devait être grande pour que cela me marque enfant, mais surtout une amabilité et une jovialité qui faisaient tellement rire les personnes présentes : c'était monsieur Harry Belafonte ... La ruelle étroite permettait aux vagues de se faire entendre jusque dans le magasin. Le marché étant à côté, suivant l'horaire, nous voyions passer les vendeurs. Certains portant sur leurs têtes les paniers en osier chargés. Un autre poussant une brouette remplie de citrons verts ou de mangues. Éventuellement un bourricot tiré par quelqu'un. Le grand arbre où nous grimpions enfants face aux entrepôts qui un jour deviendront "Le Bar de la Mer " ... Des clients rentrent. L'heure passe. Maman a terminé sa journée. Je repars en courant . Je vous embrasse madame Peterson. A demain ! Saint Martin mon île . Souvenirs d'enfance. 1979.

Axel Hubler.

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