14.10.2022

Barrage à Griselle : le parquet requiert un stage de citoyenneté à l'encontre des trois frères Webster

Trois fils de la famille Webster ont comparu jeudi devant le tribunal de proximité de Saint-Martin pour des faits «d’entrave à la circulation des véhicules sur une voie publique». Précisément il leur est reproché d’avoir bloqué la route nationale au niveau de Griselle du 24 au 27 janvier dernier. La procédure avait été ouverte après que dix-huit riverains du nord de l’île ont déposé plainte car la plupart d’entre eux n’a pas pu se rendre à leur travail, emmener leurs enfants, etc.. L’affaire avait été appelée une première fois le 5 mai dernier mais avait été renvoyée, un avocat de la défense n’avait pu faire le déplacement.

En janvier de cette année, dans le cadre de la succession Beauperthuy, une parcelle de terrain devait être vendue aux enchères en Guadeloupe, or la famille Webster revendiquait la propriété et souhaitait faire annuler cette vente. Elle a rapidement trouvé le soutien de nombreux Saint-Martinois. C’est dans ce contexte que des engins de chantier et des voitures ont été placés en travers de la route perturbant ainsi fortement la circulation. Pendant trois jours, celle-ci a été gênée pour attirer l’attention sur la vente de leur parcelle.

La juge a demandé aux frères si l’un d’eux avait ordonné aux personnes qui les supportaient, de mettre fin à ces blocages. «Un gendarme est venu me voir pour me demander de libérer le barrage, ce que j’ai accepté », a répondu l’un des prévenus. Et de préciser : «le lendemain matin, lorsque je suis arrivé sur les lieux du barrage, il était impossible de déplacer quoi que ce soit car les fils [des engins] avaient été coupés par ce même gendarme».

A la barre, les trois frères ont insisté sur le fait que les barrages n’étaient pas de leur initiative mais de celle de la population saint-martinoise pour soutenir leur famille. «Bloquer la vente aux enchères était notre but premier, pas de bloquer la circulation de l’île», assure un frère.

Un autre soutien avait été apporté quelques jours plus tard, lorsque les prévenus ont été interpellés et placés en garde à vue. Un barrage routier avait été érigé devant la caserne de gendarmerie à la Savane. « Pareil, nous n’étions pas à l’origine de celui-ci », confie un frère tout en demandant à la juge la raison pour laquelle elle ne fait pas état de ce blocage. Elle n’en avait pas connaissance, a-t-elle déclaré.

Autre fait qu’un frère a souhaité rapporter au tribunal, celui lorsque «les gendarmes ont essayé de [le] tuer avec un gaz lacrymogène ». «Il a mis le gaz dans ma bouche », confie-t-il. «Étrange que vous n’ayez pas connaissance de cette information », fait-il remarquer. L’usage du gaz lacrymogène a été reconnu par les gendarmes, ils l’ont utilisé lorsque le prévenu avait essayé de prendre la fuite lors de son arrestation.

« Manifester à Saint-Martin pose problème, vous êtes en train de viser la famille Webster, en France comme ailleurs ont lieu des manifestations, les gilets jaunes… Aujourd’hui nous nous retrouvons face à vous », commente un fils à la barre.

« La famille Webster ne peut être qualifiée de tyran, ils revendiquent leurs terres», a déclaré l’avocat de la défense. « Les frères Webster ne sont pas propriétaires des engins qui ont été placés sur la voie publique lors de ces blocages. Aucun document ne l’atteste. Mes clients n’ont absolument pas touché les engins », a-t-il martelé. «Nous confondons votre juridiction avec la loterie nationale », a-t-il commenté en faisant allusion aux différentes et nombreuses demandes de dommages et intérêts demandées par les victimes. Il demande ainsi la relaxe de ses clients.

De son côté, la partie civile admet que «cette affaire est un dossier complexe ». «Il s’agit d’une situation qu’a impliqué toute l’île de Saint-Martin, que ce soit la partie hollandaise ou la partie française puisqu’il n’y a qu’une seule route. Ces trois jours ont été un enfer pour mes clients », a indiqué l’avocat des victimes qui se sont constituées partie civile et ont demandé entre 2 et 10 000 euros de dommages et intérêts.

« Nous avons tous des problèmes dans la vie mais aucun ne justifie de prendre en otage toute la population d’autant quand ce n’est pas pour l’intérêt général mais personnel dans ce cas-là », a-t-il ajouté. Il précise en outre qu’il ne s’agit pas d’une guerre contre les Webster car les victimes n’avaient pas connaissance de l’identité des instigateurs des blocages, c’est pour cela que les plaintes avaient été déposées contre x. Une l’avait été aussi contre les autorités qui avaient laissé poursuivre le blocage pendant ces trois jours.

« Les prévenus contestent être à l’origine de ces blocages mais ne contestent pas les faits », a souligné la procureure. «Il y a eu entrave à la circulation sur la voie publique avec des objets appartenant à la famille Webster. Il y a eu volonté de faire pression sur la justice dont le but unique était de satisfaire leur intérêt unique ; débordé par leurs sentiments personnels» a-t-elle poursuit. La représentante du ministère public a requis à l’encontre des trois fils l’accomplissement d’un stage de citoyenneté dans un délai de six mois assorti d’une peine d’emprisonnement de trois mois si le stage n’est pas exécuté.

Le jugement a été mis en délibéré au 10 novembre.

 

Siya TOURE