07.10.2019

Destruction de canalisations d'eau sur fond de succession familiale conflictuelle

Ce sont des dommages collatéraux d’une histoire conflictuelle de succession familiale qu’a examinés le tribunal correctionnel de Saint-Martin le 3 octobre.

En avril dernier, quatre ménages qui louent un appartement dans un immeuble situé à Agrément, voient leurs tuyaux d’alimentation en eau potable ainsi que les tuyaux des climatiseurs sectionnés. L’évacuation des eaux usées est également bouchée avec du ciment après l’avoir été avec du sable.

Le responsable est EA, soixante-quatorze ans. EA explique avoir agi ainsi car les locataires ne lui versent plus le loyer depuis plusieurs mois. Quelques semaines plus tôt, il avait déjà fermé temporairement les vannes d’eau en guise d’avertissement.

L’immeuble, c’est EA qui l’a construit il y a plusieurs années avec son épouse. Bien que séparé par la suite, le couple a toujours partagé les revenus tirés des loyers. En décembre 2018, l’épouse de EA décède ; aussi considère-t-il qu’il devient l’unique propriétaire du bien et l’unique destinataire des loyers. Mais c’est ignorer la loi en matière d’héritage : seule une partie du bien lui est revenue, l’autre, c’est-à-dire celle qui appartenait à la défunte, revient aux enfants du couple. Un fait que EA refuse d’admettre : «la maison m’appartient, c’est moi qui l’ai construite. C’est moi le chef », martèle-t-il. Et ce sera ainsi «jusqu’à [sa] mort».

De leur côté, les trois locataires présents à l’audience, confient avoir toujours versé les loyers à la feu épouse. Au tribunal, ils fournissent les contrats de bail qu’elle a signés. Aussi ont-ils été surpris lorsqu’en novembre 2018, soit un mois avant sa mort, AA, le fils qui soutient le père, est venu vers eux pour leur expliquer que la «gestion de l’immeuble » avait été modifiée, qu’il était avec son père le nouveau gestionnaire, qu’ils devaient donc encaisser les loyers. Méfiants, les locataires ont refusé de signer le document.

Au même moment, LA, le fils qui soutenait la mère, «est allé voir le notaire familial afin qu’il puisse encaisser les loyers» à sa place. «Je ne voulais plus me retrouver au milieu», se justifie celui qui, jusqu'alors, répartissait les recettes entre son père et sa mère, malade et installée en Guadeloupe. Et de préciser : «c’est toujours la mater qui payait les taxes, avec la moitié des loyers qui lui revenait». Il rapporte que son père refusait de voir sa part réduite pour couvrir les frais fiscaux.

La notaire ayant saisi et anticipé les tensions familiales qui allaient se renforcer au décès de la mère, a refusé de signer une convention pour encaisser les loyers, de peur de menaces ; elle a déjà été confrontée à ce type de situation par le passé avec une autre famille.

Si ni le fils, ni le notaire et ni le père n’encaisse les loyers, «alors à qui sont-ils payés depuis décembre 2018 ? », s’interroge le parquet. La réponse est simple : personne. D’où l’énervement du chef de famille qui n’a trouvé comme solution, que de sectionner les canalisations d’eau. «Les tuyaux et les clim, c’est moi qui les ai posés, ils m’appartiennent. Je fais ce que je veux avec… Si [les locataires] ne partent pas, ils vont avoir davantage de problèmes », leur a-t-il fait remarquer à la toute fin de l’audience. Une menace qui, bien que formulée en anglais, est parvenue aux oreilles du vice-procureur, lequel a signifié à EA que, s’il passait à l’acte, il serait présenté une nouvelle fois devant le tribunal correctionnel mais en comparution immédiate.

Les locataires ont affirmé au tribunal être en mesure de les payer dans leur totalité.

Dans cette affaire de destruction de bien, EA était poursuivi avec son fils AA, lequel était jugé le même jour pour avoir menacé de crime la préfète et détenu une arme sans autorisation.

Il était aussi reproché à EA d’avoir un autre jour frappé avec un bâton son fils LA, lequel a riposté en frappant son père avec une tige en métal.

Le parquet a requis à l’encontre du père une peine d’un mois de prison pour avoir sectionné les canalisations et trois de mois de sursis pour les faits de violences. Dans les deux cas, la peine est assortie du sursis mise à l’épreuve avec l’obligation d’indemniser les victimes et l’interdiction de se rendre dans l’immeuble à Agrément.

Les trois locataires présents au procès, se sont constitués partie civile et demandent chacun 1 000 euros au titre des préjudices subis. Quant au fils LA et sa sœur AA, ils demandent 1 400 euros de dommages matériels et 2 000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Les jugements ont été mis en délibéré au 14 novembre.

La succession est en cours chez le notaire mais risque d'être compliquée car l'immeuble en question a été construit sur la parcelle voisine de celle qui appartient à la famille, dont sur un terrain qui ne lui appartient pas.
Depuis les faits, l'évacuation des eaux usées n'a pas été réparée.

Estelle Gasnet
3 commentaires

Commentaires

Un zoo a ciel ouvert sxm

Incroyable mais vrai...des sauvages

Des sauvages ces gens.