07.06.2017

Un SDF condamné à 4 mois de prison ferme

Il était poursuivi pour plusieurs faits, notamment de violences, outrages et vols.

«Une période d’incarcération pour [lui] permettre de sortir de ce contexte, de prendre du recul et de préparer son projet vers la métropole» est la peine que le tribunal correctionnel a prononcé mercredi matin à l’encontre de JPH, ce jeune SDF de 27 ans qui avait commis plusieurs délits en l’espace de deux semaines à Marigot.

JPH a été présenté mercredi matin en comparution immédiate devant le tribunal de Saint-Martin pour avoir commis plusieurs délits en l’espace de deux semaines. Il a écopé de huit mois de prison dont quatre assortis du sursis avec mise à l’épreuve durant dix-huit mois comprenant l’obligation de suivre des soins et de trouver un emploi. Un mandat de dépôt a aussi été délivré à son égard.

Cela faisait un an que JPH, natif de l’île, errait dans Marigot. «Depuis mon retour à Saint-Martin, précise-t-il à la barre. Avant j’étais en Guadeloupe où j’ai fait mon service militaire, mais ensuite j’ai reçu des coups de couteau donc je suis parti».

JPH a, durant un temps, squatté la terrasse d’un ancien restaurant sur le front de mer avant d’installer son « stand » à l’entrée de la marina royale au niveau du parking dit des crackés. Sans domicile et sans travail, JPH occupe ses journées à récupérer des objets dans les poubelles et à en fabriquer de nouveaux avec. «Un jour j’ai trouvé le truc pour nettoyer les toilettes, j’ai pris le pot, ça faisait comme un vase puis j’ai fait une lampe avec… ça avait un certain style», raconte-t-il. «Fabriquer des trucs, c’est ma façon à moi de m’exprimer», confie JPH. «Tu vas pas me croire mais un jour j’ai trouvé sept grammes d’or dans les poubelles», avoue-t-il aux juges. JPH ramasse des objets aussi pour les revendre. Un jour, il dit avoir trouvé des ustensiles de cuisine que lui avait rachetés le patron d’un restaurant situé en face de la police territoriale à Marigot ; un patron qu’il avait l’habitude de visiter régulièrement. Mais un jour, fin mai, celui-ci n’est pas là et c’est son épouse qui se trouve derrière le comptoir.

«Je lui ai demandé une bière, j’ai donné 50 centimes d’euros en lui disant que je reviendrai payer [son mari] mais elle n’a pas voulu me servir et a jeté mes 50 centimes», raconte JPH. «Reviens quand il sera là», lui a-t-elle répondu. «Elle a jeté les 50 centimes ! », précise JPH qui avoue avoir été très énervé par le comportement de la femme qu’il a agressée verbalement puis physiquement, entre autres parce qu'elle l'avait filmé. Il profère des menaces de mort : «Si j’avais un coutelas, je t’aurais tuée».

Voyant la scène, un client a tenté de la défendre et en a pris pour son grade, il a eu son t-shirt déchiré. La femme a ensuite appelé la police territoriale ; un agent a réussi à calmer JPH qui sera interpellé par les gendarmes.

Quelques jours plus tôt, JPH s’était déjà énervé auprès d’une autre employée, celle d’une boulangerie sur le front de mer. Pour se justifier il explique que d’habitude elle mettait un sac de nourriture pour lui qu’il partageait avec les autres SDF mais que ce jour-ci, il n’y avait pas de sac. Il s’est énervé, a essayé de tourner la caméra de surveillance et a fini par aller voler la balance électronique sur le comptoir. «C’était pour la faire chier», avoue-t-il à la barre.

Il y a encore quelques jours, début juin, JPH a été interpellé par les gendarmes car il avait agressé un agent de sécurité sur la marina royale. La nuit, le vigile lui a dit qu’il n’avait pas le droit d’être à l’intérieur de la marina, ce que JPH n’a pas apprécié. Quelques minutes plus tard, les deux hommes se retrouvent face à face et JPH s’énerve violemment. Il jette des pierres sur le vigile. Il se défend en disant que le chien du vigile l’a mordu. Il sera maîtrisé par trois militaires.

Pour l’ensemble de ces faits ainsi que pour rébellion et outrages envers les gendarmes, il était poursuivi par le parquet. Il comparaissait aussi pour des faits plus anciens. L’an passé, il avait cambriolé son voisin au prétexte que ce dernier avait dragué sa copine.

À l’audience ce matin, JPH était nerveux. Il n’a cessé de couper la parole aux magistrats mais s’est excusé à chaque fois. Il a reconnu consommer du crack «à ses heures perdues». Pour le vice-procureur Yves Paillard, «il faut mettre un coup d’arrêt à cette dérive». «Il y a un véritable problème avec les SDF à Saint-Martin. Il n’existe aucun centre pour les accueillir la nuit et leur fournir un repas chaud le soir. (…) Une sorte d’entraide s’est installée au sein de la population, des commerçants leur donnent de la nourriture. Être SDF n’est pas un délit mais la mendicité agressive si. Il ne faut pas importuner les gens», a déclaré Yves Paillard.

Pour sa défense, JPH a affirmé avoir un projet, celui de rejoindre en métropole sa petite amie rencontrée en Guadeloupe durant son service militaire. Le couple a une fillette d’un an. Il s’est excusé pour ses comportements et a demandé à ce qu’on lui donne «l’opportunité d’être avec sa famille». Lorsque le tribunal a délivré un mandat d’arrêt, JPH a répondu : «c’est cool».

Six des sept victimes se sont constituées partie civile et ont demandé un euro à titre de dommage et intérêt.

Estelle Gasnet