25.09.2023

Deux anciens dirigeants de Deldevert jugés au tribunal

Celui qui a racheté la société Deldevert en 2017, Mario Di Palma, est accusé de banqueroute par absence de comptabilité et détournement ou dissimulation de tout ou partie de l’actif de la société entre le 1 er janvier 2019 et le 3 septembre 2020.

Il était convoqué devant le tribunal de proximité de Saint-Martin le 21 septembre dernier. Il était toutefois absent car « sa femme rencontrerait des problèmes médicaux, dans un état actuel dégradé », écrit-t-il dans une lettre adressé au tribunal. Cependant, dans sa lettre il affirme qu’il n’a pas l’intention de se « soustraire à la justice et demande donc à être tout de même jugé ». Ainsi, pour assurer sa défense, il s’est fait représenter par Maître Madid.

À ses côtés comparaissait A.K, ancien dirigeant de l’entreprise, présent à l’audience, il était assisté de son avocat, Maitre Barreiro. En face, la société Deldevert s’est constituée partie civile.

Le premier fait reproché aux deux hommes est une «absence de comptabilité ». En effet, tenir une comptabilité est obligatoire. Mario Di Palma reconnaît cette absence et A.K se défend en indiquant avoir quitté ses fonctions de dirigeant en 2019.

Il est aussi reproché à Mario Di Palma d’avoir vendu des actifs de la société alors que la société avait été placée en liquidation judiciaire. Pour rappel, après Irma, Mario Di Palma a acquis la société de construction Sarl Deldevert en 2017, dirigée à ce moment-là par A.K afin de solder les dettes de l’entreprise. En effet, la société connaissait des difficultés financières depuis 2013. Elle avait d’ailleurs fait l’objet d’un redressement judiciaire en 2014. Néanmoins, la société devenue SAS Groupe Deldevert, a été placée en liquidation judiciaire le 3 septembre 2020. Dans ce cadre, la vente des actifs de la société doit être notifiée au juge, mais cela ne s’est pas passé ainsi.

Au tribunal, le conseil de Mario Di Palma avocat a expliqué qu’en raison des difficultés financières de la société, son client avait vendu quelques actifs afin de poursuivre l’activité, payer les salariés et poursuivre les chantiers de reconstruction des copropriétés suite au passage d’Irma. Pour la juge, «acheter une société dans un pays quand on n’en connaît pas la loi est spécial et d’autant plus l’acheter quand elle est en redressement judiciaire ».

Par ailleurs, A.K est aussi accusé d’avoir concédé une voiture appartenant à l’entreprise. À la barre, il explique avoir déclaré ce véhicule comme une épave auprès de l’assurance et que celle-ci l’avait indemnisé. Pourtant, les enquêteurs n’ont retrouvé aucune somme de ce remboursement sur les comptes bancaires de l’entreprise.

En ce qui concerne la partie civile, l’avocate explique «intervenir pour tous les créanciers qui ont été oubliés, laissés avec des difficultés financières». Selon elle, les infractions sont constituées et les coupables sont «les dirigeants de l’entreprise ». « On ne peut pas dire qu’en tant que dirigeant d’une société on n’était pas au courant », insiste-t-elle. Elle critique aussi la défense d’A.K, qu’elle estime « se défiler ». Au sujet de Mario Di Palma, « c’est bien dommage qu’il ne soit pas présent après plusieurs renvoi de ce dossier et qu’en plus il se défausse sur A.K», poursuit-elle. De plus, elle indique que Mario Di Palma aurait fait disparaître « 1,6 million d’euros de la société ». Elle demande ainsi à ce que les deux hommes soient condamnés à verser les dommages et intérêts.

Lors de son réquisitoire, la vice-procureure a tenu à rappeler l’arrivée de Mario Di Palma sur Saint-Martin. « Nous sommes en post Irma, un canadien (M.D.P) arrive sur l’île. Certains diront pour blanchir d’autres diront pour investir. Il profite de l’aubaine d’Irma, une île sinistrée où il y a une urgence de construire», expose-t-elle. «Il avait déjà essayé il y a quelques années», indique-t-elle.

Se trouve alors la société Deldevert, en difficulté, «une aubaine pour lui « mais qui laisse l’île face à une catastrophe économique avec un « préjudice colossal », dénonce le ministère public. Si la vice-procureure estime que les faits sont simples et constitués, elle décrit Mario Di Palma comme un homme « qui se soustrait à la justice. C’est quelqu’un qui joue contre la montre en changeant des avocats constamment et qui a disparu dès lors qu’on lui a annoncé un placement en garde à vue. On ne sait pas où il est réellement », dit-elle.

Ainsi, elle demande à entrer en voie de condamnation et requiert mandat d’arrêt à l’encore de Mario Di Palma, avec un an d’emprisonnement et 75 000€ d’amende. Concernant A.K, elle requiert six mois de prison assortis du sursis probatoire pendant deux ans, une amende de 75 000€ et l’obligation d’indemniser les victimes.

« Mario Di Palma, c’est le messie qui arrive sur une île sinistrée », débute maître Barreiro, avocat de A.K lors de sa plaidoirie. Selon lui, son client n’est pas responsable de l’absence de comptabilité de la société. D’autant que certains pouvoirs ont été retirés à son client avant même sa démission, comme ne plus pouvoir accéder aux comptes bancaires. Pour maître Barreiro,« il ne faut pas se tromper sur la qualification du rôle de chacun. Et mon client a démissionné en 2019 », rappelle-t-il. Ainsi, il demande la relaxe.

L’avocat de Mario DI Palma, débute sa plaidoirie avec « surprise » et « étonnement ». « Il semble toujours que les absents aient toujours tort. Cependant, « mon client ne commet aucun délit en se faisant représenter par son avocat pour cette audience. Il a également le droit de vivre à l’étranger », lance-t-il aux remarques du ministère public.

Il a également souligné « le manque de données chiffrées dans les convocations et les réquisitions du procureur, alors que nous parlons d’un délit financier ». En d’autres termes, il estime que le délit de « banqueroute », ne peut être caractérisé. Par ailleurs, il ne comprend pas la raison pour laquelle un juge d’instruction n’a pas été mandaté pour instruire cette affaire. Maître Madid, demande au tribunal de ne pas se laisser influencer par des « rumeurs » et que le « droit pénal doit être accordé à son client de façon juste ». En ce sens, il demande la relaxe de son client.

L’affaire a été mise en délibéré au 23 novembre 2023.

Siya TOURE