25.10.2023

Des parents condamnés pour avoir violenté et négligé leurs six enfants

Une mère et un père comparaissaient jeudi dernier devant le tribunal correctionnel de Saint-Martin pour violences par ascendant, aggravées sur mineur de moins de 15 ans et soustraction par un parent à ses obligations légales. Les victimes sont leurs six enfants, tous mineurs. Entre d’autres termes, il est reproché au couple de compromettre la sécurité de ses enfants, de ne pas subvenir à leurs besoins alimentaires, sanitaires et éducatifs.

Malgré des signalements auprès de l’Education nationale depuis 2019, précisément par l’établissement scolaire où étaient scolarisés les six enfants, ce n’est que le 4 février de cette année que l’alerte est donnée auprès de la gendarmerie. En effet, l’ainé de la fratrie, âgé de 15 ans, dépose plainte ce jour, accompagné de sa tante.

«Ma mère restait silencieuse »

L’aîné a déclaré subir des violences de la part de I.G (son beau-père) et A.H (sa mère), ses frères et sœurs sont aussi victimes de ces violences. L’adolescent indique avoir reçu des coups à plusieurs reprises de son beau-père comme «punition». Il recevait 15 à 20 coups de bâton sur les fesses et le dos. «Ma mère restait silencieuse », confie-t-il. « Elle donnait des coups mais plus rarement et c’était avec les mains», ajoute-t-il aux gendarmes. Le médecin a constaté de multiples plaies et des cicatrices sur le dos de l’enfant, des contusions au visage et un état de stress post-traumatique. L’adolescent a eu une ITT de 5 jours. Les autres enfants ont également été examinés, interrogés et photographiés. «Ils sont tous maigres », décrit la juge.

Le 9 février, quelques jours après la plainte, les gendarmes interviennent au domicile de la famille à 6h45. Ils y retrouvent un énorme «désordre, une forte odeur de crasse, une literie très sale et un état d’insalubrité fort», constatent-ils. «Un manque d’électricité dans une chambre, pas de présence de bureau de travail, des meubles qui s’empilent etc.», commente la juge.

Selon le père, les enfants mentent, il les punit mais en leur demandant de se mettre debout sur un pied. Il les menace avec un bout de bois, mais ne l’utilise pas pour frapper. S’il frappe, ce qui peut lui arriver reconnaît-il, c’est «quelquefois avec les mains». La mère confirme ces propos. «C’est pour leur faire peur », exprime-t-elle. Lors de son audition, elle a admis que ses enfants avaient reçu des coups de bâton et les avoir frappés elle-même sur les fesses et les jambes mais a contesté ses paroles face aux magistrats.
Trois signalements de l’Éducation Nationale depuis 2019

Selon les signalements envoyés par l’établissement scolaire, les enfants subissaient «des moqueries à cause de la saleté de leurs vêtements, de l’état de leurs matériels scolaires qui étaient manquants ou dégradés etc. ». L’établissement scolaire avait effectué trois signalements en 2019, 2021 et 2022. « Les enfants arrivent très souvent sales», relève la juge dans le rapport de l’établissement. «Ils portent les mêmes vêtements à plusieurs jours de suite. Ils ont des chaussures trop petites», poursuit-elle.

D’après l’établissement scolaire, «les enfants sentaient souvent mauvais et les autres élèves s’en plaignaient. Les enfants étaient très renfermés sur eux, peureux ou violents envers les autres enfants. Certains d’entre eux s’étaient déjà urinés dessus». « Les enfants arrivaient souvent sans goûter et sans eau». «Ils étaient en difficulté scolaire, il n’y avait pas de soutien à la maison», rapporte la juge.

Selon la mère, il n’y a pas de problème à la maison, les enfants faisaient leurs devoirs dans leur chambre et mangeaient à leur faim. Le couple n’admet pas non plus l’insalubrité de leur domicile. Lorsque l’avocat de la partie civile lui demande s’il considère s’occuper correctement des enfants, il répond oui. Lorsque l’avocat montre des photos du logement «insalubre », il se contente de dire que «ce n’est pas normal là sur cette photo car l’appartement est tout le temps nettoyé ». Sur l’hygiène de la maison, « ce sont les enfants qui salissent tout ». Concernant l’hygiène de la maison, « ce sont les enfants qui salissent tout», expliquent les parents.

Des parents qui ne reconnaissent pas les faits

Le couple nie tous les faits reprochés. Au sujet de la maigreur des enfants, la mère répond : «le médecin a dit que c’était normal qu’ils soient maigres comme ça». Le père précise qu’il faisait « à manger tous les jours » mais que  les enfants ne mangeaient pas ce qu’il préparait ».  Le père continue lui, de contester les accusations de violences.

Selon les parents, les enfants seraient manipulés et encouragés par la tante à mentir. «Elle veut les enfants pour elle», affirment-ils. En outre, ils précisent que les enfants vivent toujours chez eux, excepté l’aîné. Le couple stipule qu’aucun service social n’a rendu visite à leur domicile. Aujourd’hui, « tout se passerait bien à la maison et le mobilier a été changé ».

«Il y a une banalisation de la violence des parents et de l’éducation »

Selon maître Martinez, la situation familiale des enfants est «préoccupante» pour plusieurs raisons. Le conseil souligne l’état psychologique et physique des six enfant qui sont «livrés à eux-mêmes». Selon le certificat médical, «l’ainé présente de nombreuses plaies et cicatrices d’âges différents sur le dos et le visage. Cela montre que les faits se sont produits à plusieurs reprises », expose l’avocate lors de sa plaidoirie.

«Les autres enfants apportent de nombreux points de cohérences sur les violences que déclare l’aîné aux gendarmes notamment avec le bâton. Mais pour les parents, ces coups seraient couverts de l’éducation car les enfants n’écoutent rien et qu’ils n’ont aucun autre moyen de se faire entendre », poursuit-elle. « L’éducation doit être exercée sans violence », rappelle-t-elle.

De plus, l’avocat fait état du comportement des enfants à l’école. « Un d’entre eux essuie souvent son ardoise avec sa salive en classe. Un autre s’urine dessus en classe et quand celui-ci est de retour à l’école après la pause du déjeuner, il n’était pas changé, il sentait toujours l’urine », déplore maître Martinez.

L’ainé vit aujourd’hui chez la cousine des parents, « c’est un enfant heureux actuellement et facile à vivre », affirme l’avocate aux magistrats. « C’était un enfant en souffrance qui avait besoin d’attention et d’aide », complète-t-elle en justifiant pourquoi l’adolescent a appelé aux secours en déposant plainte à la gendarmerie.

Dans ses réquisitions, le vice-procureur se montre inquiet face à l’attitude des parents. «Ils sont dans un déni complet », dit-il. Selon lui, les faits sont caractérisés, et ce qu’il a entendu aujourd’hui ne lui convient pas, n’entendant aucune remise en question de la part des parents. Il lance un ultime appel avant l’incarcération ferme. Ainsi, il requiert une peine de dix mois d’emprisonnement avec sursis pour chacun des parents. « Si jamais la situation continue, le ministère public n’hésitera pas à poursuivre », assure-t-il.

Enfin, les parents, prenant la parole en dernier conformément à la loi demandent au tribunal de leur « donner une autre chance». Après délibération du tribunal, les deux parents ont été condamnés à dix mois de prison avec sursis. L’affaire a été renvoyée sur intérêt civil en mars prochain pour examiner les préjudices subis par les enfants.

Siya TOURE