13.11.2023

Elle agresse une femme avec une arme pour une "histoire de jalousie"

«Une affaire grave qui aurait pu finir devant la cour d’assises», a été jugée jeudi 9 novembre par le tribunal de proximité de Saint-Martin. 

L’affaire concerne deux femmes qui ont comparu  en tant que prévenues et victimes. Les faits se sont déroulés il y a un peu plus d’un an sur la partie hollandaise, à la sortie d’une discothèque. L’une (Y.B) est accusée de «violence avec usage ou menace d’une arme suivie d’incapacité n’excédant pas huit jours», l’autre (K.J) est accusée de «violence n’ayant entrainé aucune incapacité de travail ». 

C’était dans la soirée du 4 au 5 juin 2022. Les deux femmes sont dans la discothèque et un premier échange verbal houleux a lieu entre elle, suivi d’une bagarre «violente». Le lendemain, K.J se rend à la gendarmerie et «elle présente plusieurs pansements, sur le bras gauche, la poitrine côté gauche, le cou côté gauche et des traces de griffures sur la main, le sein et la tête», décrit la juge. Le certificat médical de K.J montre six plaies, une fracture au nez entrainant une incapacité totale de travail (ITT) de trois jours. K.J indiquera avoir été victime de coups de couteau de la part de Y.B. 

Le soir de l’évènement à la discothèque, Y.B dit avoir été provoquée par K.J. Mais K.J dis que Y.B lui a donné un premier coup d’épaule. Après la fermeture de la discothèque vers 3h du matin, Y.B l’attendait dehors avec une arme, dit-elle. 

Cependant K.J dément. Selon elle, c’est Y.B qui l’a provoquée et insultée en premier. «Lorsque nous sommes sorties de la discothèque, elle m’a donné un premier coup de poing au visage», déclare-t-elle au tribunal. De l’autre côté, Y.B reconnait avoir blessé K.J avec une arme, mais elle affirme que ce n’était pas un couteau mais une lime, si elle a fait usage de cette arme c’était  pour se défendre, répond--elle. 

Selon K.J, les blessures sur son corps sont «trop importantes» pour avoir été causées par une «lime». «Lorsque nous nous sommes retrouvése au sol, elle avait l’avantage sur moi, j’essayais de me protéger le visage mais elle continuait de me couper et de me couper avec son arme. Elle ne s’arrêtait pas, elle ne montrait aucune pitié », insiste K.J. 

D'après K.J cette dispute repose sur le fait qu’elle est la nouvelle compagne de l’ex-compagnon de Y.B. En plus d’un enfant ensemble, cette dernière n’aurait jamais accepté cette rupture. K.J affirme avoir reçu plusieurs menaces de la part de Y.B auparavant, notamment un mois avant l’incident. Pourtant, Y.B dément cette histoire de jalousie, prétendant au tribunal « je n’étais pas jalouse d’elle, nous partagions le même homme», affirme-t-elle. 

«Y-a-t-il toujours des problèmes entre vous deux ?», demande la juge. «Ce n’est que récemment qu’elle (Y.B) a arrêté d’envoyer des messages menaçants», répond K.J. Cependant, pendant le procès, les paroles, réponses de l’une et l’autre font ressentir encore des tensions, ce que fait remarquer le vice-procureur lors de son réquisitoire. 

Si le parquet a qualité les faits «graves», « peu importe l’arme à laquelle les coups ont été portés, des blessures multiples sont présentes. Nous sommes sur des violences intenses», considère-t-il. C’est ainsi que le ministre public souhaite ainsi prendre des réquisitions «sévères» pour apaiser la situation. Il est temps de tourner la page et de passer à autre chose», insiste-t-il. Dans cette perspective, le vice-procureur souhaite entrer en voie de condamnation pour les deux prévenus. Il requiert une peine de six mois de prison avec sursis à l'encontre de Y.B et une peine d’amende de 200€ à l'encontre de K.J. 

À défaut de sa co-prévenue, K.J était représentée par son avocat, maître Durimel qui dès sa plaidoirie lâche : « si ma cliente n’avait pas été capable de se défendre, cette affaire aurait pu se retrouver devant la cour d’assises». Selon lui, il n’y a aucun doute sur la culpabilité de l’agresseur de sa cliente, «elle avait un mobile : la jalousie ». 

«Ma cliente n’est pas une personnalité publique, mais si cela était arrivé à n’importe quelle notable, nul doute que cette affaire aurait défrayé la chronique et que l’enquête elle-même aurait été beaucoup moins sommaire», déclare l’avocat. Selon maître Durimel dans ce dossier, il y a eu de la banalisation qui incombe déjà aux autorités hollandaises qui n’ont fait aucun cas de cette affaire. De plus, «les caméras ont disparu », expose-t-il. 

L’enquête à chercher à tout prix à savoir pourquoi Y.B a réagi de la sorte. «Lorsque nous, gens de justice, y compris les enquêteurs, nous commençons à vouloir chercher des justificatifs à un tel déferlement de violences, nous sommes dans la banalisation», considère maître Durimel. «Il y a tellement de violences au quotidien dans notre société qu’on se dit : ce n’est rien, ce sont des histoires de filles, elle n’est même pas morte, on ne lui a même pas arraché un œil etc. », déplore -t-il. 

En ce sens, «les actes graves de Y.B ne peuvent pas être banalisés, car cela lui donnerait la permission de recommencer», estime maître Durimel. «On peut tuer par jalousie et si cela continue, c’est ce qui va se passer», prévient-il. «Cette procédure doit permettre de passer à autre chose. La justice française doit faire entendre à ces personnes, qu’ici dans l’État de droit français, on ne sort aucune arme, on ne frappe pas pour justifier qu’on a été provoqué, par un geste, une parole ou un regard», insiste-t-il.

«Condamner ma cliente, c’est dire qu’elle est coupable et je ne vois pas comment elle continuera à croire en la justice française par l’impact psychologique et la résonance juridique de cette décision», poursuit l’avocat. Ainsi, il demande la relaxe de sa cliente et demande le renvoi sur intérêt civil. 

Le délibéré sera rendu jeudi 16 novembre. 

Siya TOURE