22.11.2023

Impliqué dans un accident routier, il fournit une fausse identité

Jeudi dernier, un jeune homme était convoqué devant le tribunal correctionnel de Saint-Martin pour des faits datant du 20 mars 2022. A.O est notamment accusé d’avoir causé un accident de la route et des blessures involontaires alors qu’il conduisait sans être titulaire du permis de conduire un véhicule non assuré et muni de fausses plaques d’immatriculation. De plus, il lui est reproché d’avoir fourni «une identité imaginaire pouvant provoquer des mentions erronées au casier judiciaire».

L’accident a été signalé à la gendarmerie aux environs de 23 h. «La victime a été percutée par un automobiliste et a été amenée à l’hôpital par l’auteur de l’accident. Une fracture du pouce et une contusion du thorax ont été établies avec une ITT de 10 jours», expose la juge. La victime n’a pas souhaité déposer plainte.

La voiture impliquée a été cachée par AO après l’accident et a été identifié, retrouvée et saisie par les gendarmes. A.O a été arrêté et a déclaré être l’auteur de l’accident, cependant il a fourni une «fausse identité» à la gendarmerie, celle de P.O.

Lorsque la juge lui demande s’il reconnaît avoir donné une fausse identité, il ne souhaite pas répondre, il n’apporte aucune précision aux questions de la juge dans le cadre de son droit de garder le silence.

Avant que le procès ne débute, maître Tillard, avocate du prévenu avait soutenu une nullité de la procédure, citant particulièrement les circonstances de l’accident et l’ouverture de l’enquête. «Le 21 mars 2022 à une heure du matin le centre opérationnel de la gendarmerie est alerté par le service des urgences de l’hôpital Louis Constant Fleming», débute l’avocate. «Une femme blessée a été renversée et transportée à l’hôpital. Les gendarmes sur les lieux effectuent des vérifications à l’hôpital mais celles-ci ne permettent pas de retrouver la victime. Pourtant un certain P.O est identifié comme mis en cause de l’accident puis placé en garde à vue», poursuit-elle.

«P.O n’existe pas, mon client A.O a établi son identité, j’avais fait état à l’époque de la demande de nullité de la convocation de mon client et le tribunal par un jugement du 29 septembre 2023 avait fait droit à mon exception de nullité et avait déclaré nulle la convocation à l’encontre de P.O et l’avait relaxé de ses infractions », rappelle-t-elle. En conséquence, le parquet avait décidé de délivrer une nouvelle citation à comparaitre, cette fois contre A.O, raison pour laquelle cette affaire revient devant le tribunal.

Cependant, ce dossier présente une autre difficulté pour l’avocate. En effet, «l’enquête a été ouverte à l’encore de P.O à la suite d’un signalement d’une victime d’un accident de la circulation donné par l’hôpital auprès des services de gendarmerie sans l’accord de la victime et sans même que celle-ci ne soit entendue », insiste l’avocate. Selon elle, l’hôpital a violé le secret professionnel en signant l’affaire auprès des forces de l’ordre.

«Nous sommes dans une situation particulière dans cette affaire puisque cette dame qui a été renversée par A.O, c’est sa cousine et c’est une dame d’un certain âge, c’est d’ailleurs lui-même qui l’a amenée à l’hôpital et à aucun moment elle a donné son accord pour que les services de l’hôpital préviennent la gendarmerie », souligne-t-elle. «Il y a une grande loi à Saint-Martin, ce qui se passe en famille reste en famille. Une victime majeure a encore le droit de ne pas vouloir porter plainte et de ne pas prévenir la gendarmerie si elle estime que ce n’est pas nécessaire», ajoute-t-elle.

Pour maître Tillard, la gendarmerie n’aurait «jamais dû être informée de l’accident puisque le rapport de l’hôpital est irrégulier». En ce sens, elle a demandé au tribunal d’établir les irrégularités du signalement des faits et donc l’absence d’infraction flagrante car aucun flagrant délit n’a été constaté, de constater la nullité de l’ouverture de l’enquête des faits de flagrance et de renvoyer les poursuites de A.O.

Pour le parquet, le secret médical incombe à la victime et non au prévenu. En outre, sur le fond du sujet de l’accident, «cela me paraît plutôt rassurant que nous soyons dans une société où les hôpitaux avisent la gendarmerie lorsqu’ils ont connaissance d’un accident». D’après le vice-procureur, «il n’y a pas d’atteinte au secret médical et ce n’est pas l’objet des faits reprochés à l’accusé». En conséquence, il a demandé au tribunal de rejeter la demande de nullité de la défense. Par ailleurs, si le casier judiciaire du prévenu est vierge, lors de son réquisitoire, le ministère public a requis une peine de 120 jours d’amende à 8€.

Lors de sa plaidoirie, maître Tillard est revenu sur l’accident, indiquant qu’il n’y avait aucune preuve prouvant la présence de son client à bord du véhicule impliqué. Concernant la fausse identité qui est «difficile de nier», elle a justifié l’état de panique de son client, « A.O traversait à ce moment-là une période difficile suite à l’assassinat d’un de ses amis », indique-t-elle. De plus, faisant part de la bonne volonté de son client, elle a partagé au tribunal la réussite au permis de conduire de ce dernier.

Le délibéré sera rendu le 7 décembre.

Siya TOURE