12.03.2024

Reprise d'Air Antilles : la Team Gibbs s'interroge sur plusieurs décisions

La Team Gibbs ne partage pas le même avis que le président directeur général de la Sem Air Antilles sur le déroulé des faits quant à la reprise de la compagnie aérienne Air Antilles par la COM et le groupe Cipim. La semaine dernière, Jérôme Arnaud confiait dans un communiqué de presse relayé par la Collectivité que «le programme de lancement se [déroulait] conformément aux scénarios proposés en septembre 2023 devant le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre». Pour l’opposition menée par Daniel Gibbs au conseil territorial, «la trajectoire du dossier Air Antilles n’est absolument pas conforme au plan d’affaires établi en septembre dernier». A son tour, elle publie un communiqué.

D’une part, Philippe Philidor, Marie-Dominique Ramphort, Alain Gros-Desormeaux et Daniel Gibbs constatent que «les délais invoqués étaient très optimistes pour ne pas dire surréalistes» ; la Sem avait indiqué, rappellent les quatre élus, «pouvoir obtenir son certificat de transporteur aérien (CTA) au plus tard à la fin du mois de décembre. Or, à date, force est de constater que leurs projections étaient, bel et bien, erronées puisqu’après plusieurs effets d’annonces, ils ont été contraints de reporter à quatre reprises le délai escompté pour l’obtention du CTA». Selon les dernières informations délivrées par Air Antilles, le CTA devrait être accordé par la direction de l’aviation civile ce mois-ci.

La Team Gibbs se demande si «le président Louis Mussington, le vice président Alain Richardson, le directeur général des services (DGS) de la COM, le PDG de la SEM et [leurs conseils] ont cette fois la certitude qu’au plus tard avant Pâques, la Sem Air Antilles aura obtenu le CTA».

D’autre part, les quatre élus de l’opposition considèrent que le prévisionnel financier qui avait été porté à l’attention des élus du conseil territorial en septembre 2023 n’a pas été respecté. Les conseils qui ont accompagné la COM, avaient recommandé d’affréter des appareils afin d’opérer le temps de l’obtention du CTA et générer des recettes d’exploitation. Or, cela n’a pas pu être mis en place avait indiqué en décembre le directeur général des services de la COM aux élus du conseil territorial en décembre. «Cela fait désormais plus de cinq mois depuis que les avions sont cloués au sol. Cinq mois d’inactivités opérationnelles, c’est l’équivalent de cinq mois de pertes de recettes d’exploitation non prévues dans le prévisionnel financier», estime la Team Gibbs.

«La Sem doit malgré tout s’acquitter d’un certain nombre de dépenses telles que des frais de maintenance, de fonctionnement, de personnel, des crédit-baux avions et divers. Ces charges fixes qu’il convient de combler, quoiqu’il en soit, représentent plusieurs centaines de milliers d’euros mensuels», conviennent Philippe Philidor, Marie-Dominique Ramphort, Alain Gros-Desormeaux et Daniel Gibbs qui demandent aux acteurs du projet de chiffrer publiquement l'ensemble des charges. Ils rappellent qu’«à plusieurs reprises» tout comme leur collègue Jules Charville, ils avaient «interrogé l’exécutif sur le montant réel que représentaient ces charges fixes mensuelles ainsi que les charges imprévues afférentes audit projet» et qu’«aucune réponse précise n’avait été apportée ».

«Pourtant, il s’agit bien d’un projet qui, certes, résulte d’une volonté politique portée par la majorité, mais qui par-dessus tout se retrouve financé essentiellement par des deniers publics. Ce qui dans une démocratie normale implique une certaine transparence quant à l’usage desdits fonds», conçoit la Team.

Par ailleurs, les quatre élus affirment avoir «remarqué des manœuvres assez surprenantes ». «Plus d’une douzaine de millions d’euros ont été investies dans le cadre de ce projet. La logique aurait voulu que le poids des investissements soit réparti proportionnellement à la détention capitalistique des associés, soit un effort financier de plus de 8,4 millions d’euros pour la COM et de plus de 5,6 millions d’euros pour la Holding CIPIM», conçoivent-ils. «Or, à la lecture des diverses délibérations, ce n’est absolument pas ce scénario qui aurait été privilégié. Au contraire, il semblerait qu’il aurait été convenu entre les parties prenantes au projet que la quasi-intégralité des risques inhérents à ce projet soit supportée par la COM», déclarent les quatre élus. «En tout état de cause, c’est ce qui se passe dans les faits : sur plus de 14 millions d’euros investis, la Holding CIPIM n’aurait avancé que 1,2 million d’euros (800 000 € en capital et 400 000 € au titre de la reprise des actifs), laissant à la charge de la Collectivité la quasi totalité du poids des investissements financiers à réaliser (soit plus d’une douzaine de millions d’euros)», indiquent-ils. Et de commenter : «le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il existe un déséquilibre significatif s’agissant des montants investis».

Philippe Philidor, Marie-Dominique Ramphort, Alain Gros-Desormeaux et Daniel Gibbs se demandent pourquoi «la Collectivité a financé la quasi totalité des fonds du projet Air Antilles tout en ne détenant que 60 % du capital de la SEM » et «pourquoi Cipim aurait droit à 40% des bénéfices réalisés par la Sem dans l’hypothèse où ce projet fonctionnerait, alors qu’elle aurait à ce jour investi moins de 10% des sommes totales nécessaires à la bonne réalisation de celui-ci ».

Enfin, la Team Gibbs aimerait l’assurance des acteurs du projet sur la politique tarifaire que la compagnie mènera en faveur des Saint-Martinois. «Ce projet devait contribuer à lutter contre la hausse des prix des billets d’avion et qu’à cet effet il serait proposé des billets à tarification (très) réduite. Or, Jérôme Arnaud a récemment déclaré [sur les ondes d’une radio en Guadeloupe] que les prix seront revus à la baisse par rapport à ceux de la concurrence mais qu’il ne fallait pas s’attendre aux tarifs pratiqués, il y a quelques années. Et qu’en raison de l’accroissement des coûts opérationnels, il va falloir que le passager puisse payer le vrai coût du service». Les élus disent ainsi «s’interroger sur le changement de tonalité s’agissant de la politique de réduction des prix des billets d’avion».

«Aujourd’hui, nous attendons beaucoup de ce projet (…) Ce sont ni plus ni moins que plusieurs millions d’euros de déprogrammés pour investir dans ce projet. Vous n’avez donc pas le droit d’échouer, encore moins après ces sacrifices consentis aux frais des habitants de Saint-Martin », conviennent les membres de la Team Gibbs.

Jeudi les vingt-trois élus seront réunis en séance plénière du conseil territorial pour débattre des orientations budgétaires de la COM pour l’année 2024. Peut-être que la majorité apportera des précisions sur la situation de la compagnie Air Antilles.

Estelle Gasnet